Plusieurs écrans ont été installés à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement. Le public regarde cette finale, le maxi-challenge final, la parade finale, le lipsync final [une épreuve de synchronisation labiale ou « playback » sur une chanson française] . Quand, au bout d’une heure, l’animatrice Nicky Doll annonce que Paloma a remporté la première édition de Drag Race France, la foule se déchaîne. Flanquée de ses deux dauphines, la reine de Clermont-Ferrand savoure son sacre et sa nouvelle popularité en direct avant de goûter aux joies de la foule nageuse. La Grande Dame se souvient : « Nous avons plaisanté avec Soa et Paloma en disant que cela finirait comme quitter le Loft avec Loana. Nous l’espérions secrètement et l’avons obtenu. C’était très beau à voir. »

Une 2ème saison en vue

La popularité de cette adaptation d’un show américain à succès semble avoir transcendé la communauté LGBT+. Sur Twitter, Paloma félicite donc Isabelle Rome, ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, la diversité et l’égalité des chances, mais aussi Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand, et Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des programmes de la France. TV, qui annonce au passage qu’il y aura une 2e saison. Ce dernier tweet montre que France Télévisions semble se contenter d’être le diffuseur de Drag Race. Lancée le jour de la marche des fiertés LGBT+ de Paris, cette première saison a été diffusée sur la plateforme France TV Slash, avec une mise en ligne tous les jeudis puis sur France 2 le samedi à minuit. Dans un premier temps, France Télés avait annoncé que seul le premier épisode serait diffusé. Avec 914 000 téléspectateurs (11,6% de l’audience totale, selon Médiamétrie), la chaîne a changé d’avis et diffusé le reste de la saison en troisième partie de soirée. Les notes ont chuté un peu plus tard, mais cela s’explique probablement par le fait que les fans n’ont pas attendu samedi soir pour voir l’épisode. Les chiffres d’audience de France TV Slash ne sont pas encore connus.

Promesses tenues

Si le succès a été au rendez-vous, c’est que le show produit par Endemol et Shake Shake Shake a tenu ses promesses en terme de qualité. Les dix drag queens choisies par la production ont assuré le show avec des performances souvent inoubliables, des tenues qui ont fait honneur à notre réputation de pays de la mode et de nombreux moments d’émotion. On se souvient surtout de cet incroyable lipsync entre Lolita Banana et La Grosse Bertha dans Corps de Yseult. La première, se sentant rejetée par les autres candidats, s’est complètement rasée les cheveux sur scène, avant que son compatriote ne vienne la prendre dans ses bras.

Et maintenant ?

En attendant que de nouvelles drag queens prennent le relais, les dix candidates prévoient de capitaliser sur leur notoriété après le show. L’ensemble du casting, accompagné de l’animatrice Nicky Doll, part à la rentrée pour une tournée en France et en Belgique intitulée Drag Race France live. Elle débutera par trois spectacles au Casino de Paris. Chacun poursuivra ensuite sa carrière séparément. Paloma rejoindra la 5e saison de la série Balthazar sur TF1. La Grande Dame, habituée des défilés de mode, aimerait avoir une chronique radio ou faire de la télévision. “Nous avons hâte de faire Fort Boyard avec Soa et Paloma”, plaisante-t-il. Soa de Muse, que l’on retrouve dès la rentrée dans son cabaret du 18e arrondissement de Paris, espère pouvoir se produire en France et à l’étranger. Le reste de la communauté drag française peut-elle bénéficier de la dynamique Drag Race ? Depuis quelques années, les scènes de drag se développent un peu partout en France, à Bordeaux, Nice, etc. Cependant, pendant le spectacle, les concurrents ont mentionné à plusieurs reprises les difficultés qu’ils avaient à vivre de leur art. Paloma veut croire que les choses iront mieux. “J’espère que les organisateurs des soirées, ceux qui embauchent des drag queens nous considéreront comme des travailleurs à temps partiel, comme des artistes et nous paieront correctement. Mais ça ne va pas être aussi simple. Et il ajoute : « Il faut penser aux conflits locaux. Drag Race c’est très bien, mais c’est une vision très particulière du drag, c’est une compétition et le drag c’est bien d’autres choses, il y a des milliers d’autres aspects. » Lors d’interviews, plusieurs concurrents de Drag Race France ont insisté sur leur volonté de ne pas trop tirer la couverture. “Je pense que ça va vraiment changer le quotidien des dragueurs”, assure La Grande Dame. Nous étions vraiment au début d’une percée pour beaucoup de gens. Nous serons très bien entretenues, très bien payées, mais notre grande crainte est que les autres filles ne soient pas revalorisées à leur juste valeur. J’ai l’impression que nous avons été assez combatifs à propos de tout cela, et nous avons clairement indiqué que nous voulions changer les choses pour tout le monde, pas seulement pour nous. »

La traînée de la “révolution”.

Au-delà de la scène drag, les drag queens peuvent-elles changer la société ? Lors du dernier épisode, le directeur artistique de Balmain Olivier Rousteing, qui était juge invité, a notamment confié à Soa de Muse et aux autres reines qu’il s’agissait d’une “révolution” pour la France. L’une des forces de cette distribution était sa diversité, tant artistique qu’identitaire. Un message de visibilité à destination du grand public, mais aussi de la communauté drag. Aux drag queens non blanches qui auraient du mal à s’affirmer, Soa lâche : « Tu as ta place et si on te dit que tu n’as pas ta place, tu déchires tout et tu t’affirmes. » D’ailleurs, la drag queen dont les parents sont martiniquais, note par exemple qu’ « en Martinique ça bouge déjà ! On ne sait pas pourquoi on n’est pas là, mais il y a beaucoup de gens queer, il y a beaucoup d’artistes. Mon rêve sera d’y aller, avec d’autres personnes avec qui je travaille déjà. La révolution de la traction vient de commencer.