Dans une décision que nous publions ci-dessous, l’ARS explique qu’avec en moyenne un seul anesthésiste présent dans l’établissement, “la situation est très alarmante”. La clinique Saint-Brice dispose de deux blocs opératoires, de lits d’hôpitaux et d’un service de consultation. Ainsi, la réglementation l’oblige à disposer en tout temps de deux médecins anesthésistes assistés d’une infirmière anesthésiste. Chose qui n’est pas vraie, d’où la décision de l’ARS. Extraits de la décision de l’ARS d’Ile-de-France du 11 juillet 2022 ordonnant la fermeture du bloc opératoire de la clinique Saint-Brice. Dans sa décision, l’ARS juge “très préoccupante” l’organisation actuelle du domaine de l’anesthésie. (CELLULE DE RECHERCHE DOCUMENTAIRE DE RADIO FRANCE) Jusqu’ici rien d’extraordinaire, quand on connaît les difficultés de recrutement des établissements de santé. Mais ce que l’ARS n’écrit pas et que le personnel nous a révélé, c’est que pendant des mois (de janvier à juin 2022), la direction de la clinique aurait artificiellement gonflé ses effectifs. “Les programmes du bloc opératoire ont enregistré des anesthésistes qui ne sont jamais venus à la clinique, se plaint un chirurgien de la clinique, qui préfère rester anonyme car il est toujours en poste. Leur présence aux tables est fictive. En théorie, en ce qui nous concerne, la réglementation impose la présence de deux médecins anesthésistes sur place, plus une infirmière anesthésiste.” “La réalité est que certains jours, il n’y a qu’un seul anesthésiste. C’est complètement illégal.” Chirurgien de la Clinique Saint-Brice chez franceinfo Le personnel de la clinique Saint-Brice, qui a alerté l’ARS à plusieurs reprises, nous a indiqué les horaires que nous vous présentons ci-dessous. “Vous voyez là: il est écrit ‘Docteur X.’ Il travaille en fait dans une autre clinique à 30 kilomètres, précise le chirurgien. Le docteur N. exerce dans un département voisin. Conception du bloc opératoire de la clinique Saint-Brice (avril 2022). (CELLULE DE RECHERCHE DOCUMENTAIRE DE RADIO FRANCE) En juin, la commission médicale de l’établissement (qui réunit tous les médecins, ndlr) s’était émue de cette situation dans un rapport adressé à l’administration et à l’ensemble du personnel soignant, que nous publions ci-dessous. “Le docteur N. n’est jamais allé dans l’établissement, peut-on lire. Il y a de nombreux dysfonctionnements qui mettent en péril la sécurité des patients.” Procès-verbal du comité médical fondateur en date du 24 juin 2022. (DOCUMENT CELLULE ENQUÊTE DE RADIO FRANCE) Outre le caractère en partie « fictif » de ces horaires, trois membres du personnel médical de la Clinique Saint-Brice rencontrés confirment que la direction aurait payé un de ces anesthésistes pour qu’il accepte de figurer sur les horaires. “Le Dr N., que je connais personnellement, m’a dit un jour qu’il était grassement payé pour faire partie du conseil d’administration, mais qu’il n’avait jamais mis les pieds à la clinique.” Elisabeth*, ancienne infirmière à la Clinique Saint-Brice franceinfo Contacté, le Dr N. n’a pas répondu à nos messages. Nous sommes entrés dans la clinique où il travaille, à 70 kilomètres de Saint-Brice. Elle nous a confirmé que le Dr N. faisait bien partie de son personnel. La présence d’un anesthésiste unique pour assurer le bloc opératoire, le suivi post-opératoire et les consultations n’est pas seulement contraire à la réglementation. “Cela met la vie des patients en danger”, a déclaré Elisabeth*, ancienne infirmière à Saint-Brice. Il a préféré démissionner au printemps après un incident, confirmé par le témoignage de deux autres médecins. “Mon anesthésiste a ramené un patient en salle de réveil et l’a extubé. Il est monté faire ses consultations car rien ne s’était passé et m’a laissée seule avec le patient”, raconte-t-elle. Sauf que le patient a eu un petit problème. Satisfait, il a compensé.” “L’anesthésiste a dû descendre, mais bon, je devais agir d’abord ! Donc, du point de vue de la sécurité, nous étions à zéro. La vie du patient était en jeu.” Elisabeth*, ancienne infirmière à la Clinique Saint-Brice chez franceinfo L’infirmière poursuit amèrement : “Je ne suis pas médecin, je fais de mon mieux mais j’ai aussi mes limites. C’est la goutte d’eau qui m’a fait démissionner.” Il travaille depuis dans une autre structure. Le cabinet de la clinique est fermé jusqu’à fin septembre. Le Service régional de santé a demandé à la direction de résoudre les problèmes de personnel d’ici là. L’ARS n’a pas souhaité réagir à nos informations. Il nous précise que “la phase dite contradictoire est toujours en cours. En fonction des résultats de cette phase, des sanctions sont possibles”. Le gérant du magasin n’a pas répondu à nos multiples sollicitations. La clinique Saint-Brice appartient au groupe privé AVEC, déjà cité pour sa gestion de la clinique d’entraide de Grenoble. Une plainte, que nous vous avions révélée en juin, a également été déposée pour “détournement de fonds” et “retrait illégal d’intérêts”. Le parquet de Grenoble a ouvert une enquête. *Les noms ont été changés