Publié à 17h32
Louis-Samuel Perron La Presse
Depuis un an, les trois proches de l’accusé se cachent dans la terreur. “Ils sont gravement menacés”, avait conclu un juge en février dernier. Même “contrat” est entré dans leur tête. Ils ont également bénéficié du programme de protection des témoins du Service de police de la Ville de Montréal. Ces trois personnes, dont l’identité est protégée, ont dû changer d’apparence et changer de ville. Ils ne sortent plus seuls de leur résidence. L’une d’elles affirme qu’elle a dû abandonner sa carrière prometteuse à cause des menaces. ” [Elles] ils ont dû faire de multiples sacrifices pour protéger leur intégrité et leur sécurité », conclut une poursuite déposée devant le tribunal de Montréal et rendue publique lundi. Leur cauchemar a commencé l’an dernier lorsqu’un proche, un jeune criminel déjà endurci (M. X) a proposé à un enquêteur du Service de police de l’établissement de Longueuil (SPAL) lors d’un film de devenir partenaire de justice. Monsieur X, arrêté en août 2021 dans le quartier DIX30 avec une arme à feu, voulait dénoncer d’autres malfaiteurs en échange d’une réduction de peine. “Je vais t’aider. Je vais te ramener vers eux parce que tu m’as attrapé avec un petit fusil ce jour-là. Tu veux cinq ou six pistolets ? Tu veux avoir de vrais pistolets ? Tu veux pour aller rafler les maisons où ils sont ? La coke ? », demandait le sondage, rapportait La Presse l’an dernier. Quelques jours plus tard, la vidéo inédite de l’interrogatoire s’est retrouvée sur les réseaux sociaux, alors qu’elle venait d’être révélée aux avocats de l’accusé et de son coaccusé. Un extrait compromettant de la vidéo montrant le mot « RAT », le nom et la date de naissance du jeune homme s’est retrouvé sur la plateforme TikTok. La Presse révélait l’an dernier qu’une figure du crime organisé, Kevin St-Pierre, et son ex-femme, l’avocate criminaliste Noémi Tellier, faisaient l’objet d’une enquête en lien avec la fuite de la vidéo. Me Tellier, l’avocat du complice de Monsieur X, a été arrêté par la police puis relâché sans inculpation l’an dernier. Elle nie toute implication dans l’affaire.
Un juge corrompt la police
Dans l’action civile, les trois plaignants accusent les agents de la SPAL de ne pas avoir expurgé les preuves sensibles de l’interrogatoire de M. X avant que les preuves ne soient divulguées. “En négligeant de prendre les mesures nécessaires pour sécuriser l’identité de Monsieur X et le contenu de l’enregistrement de son interrogatoire [le SPAL] a gravement porté atteinte à la sécurité et à l’intégrité, non seulement de M. X, mais aussi de lui-même [ses proches] », argumentons-nous dans le procès. Les plaignants s’appuient sur un jugement rendu en février dernier par la juge Louise Leduc de la Cour de justice du Québec dans une requête en suspension d’instance déposée par M. X. La juge a conclu que l’État avait commis des « vices » en ne protégeant pas l’accusé. . Même s’il n’avait pas été lanceur d’alerte, il aurait dû bénéficier de la “protection des témoins de droit commun”, a conclu le juge. Le juge reproche à l’Etat le “manque d’attention” au dossier et la communication rapide des preuves. Au lieu de publier la vidéo telle quelle, elle pourrait être éditée ou un résumé de la déclaration fournie aux avocats, suggère le juge. Le droit de la défense d’obtenir des preuves n’est pas absolu lorsque la sécurité des tiers est en jeu, rappelle-t-il. Cependant, malgré les erreurs de l’État, le juge Leduc a conclu que l’arrêt des poursuites demandé par M. X n’était pas justifié. Le procureur ne relève aucun “soupçon de mauvaise foi, de stratégie douteuse ou d’arrière-pensées” de la part de l’Etat, seulement un manque de “vigilance”. D’ailleurs, dans ce cas, l’Etat n’est pas seul responsable. Sans nommer personne, le juge affirme que l’avocat du co-accusé de M. X a agi comme un “tapis roulant pour l’effondrement”. De plus, M. X, un homme « hautement criminalisé », était bien conscient du risque encouru dans sa tentative de coopération. De plus, le montage de sa vidéo ne le protégerait pas totalement des représailles, selon le juge. SPAL n’a pas répondu à notre demande d’interview.