Depuis leur vote de mardi, les Kényans retiennent leur souffle avant un duel présidentiel qui pourrait être l’un des plus acharnés de l’histoire du pays. Dimanche 14 août au matin, selon le décompte de la Commission électorale indépendante dans près de la moitié des bureaux de vote, le vice-président William Ruto était en tête avec 51,25% des suffrages, contre 48,09% pour Raila Odinga, figure historique de l’opposition qui est actuellement soutenu par le président sortant, Uhuru Kenyatta. La commission a alors arrêté la diffusion en direct des résultats, sans donner d’explication. Cependant, le décompte du Daily Nation, basé sur les chiffres officiels de près de 90% des bureaux de vote, a montré une marge considérablement réduite dans la soirée, M. Ruto recueillant 49,91% des voix contre 49,41% pour M. Odinga – les deux autres candidats ( George Wajackoyah et David Waihiga) remportant chacun moins de 0,5 % des voix. Si aucun des deux meilleurs candidats n’obtient plus de 50% des voix, ainsi que 25% des voix dans la moitié des quarante-sept comtés, le Kenya – pour la première fois de son histoire – aura un second tour. Lire aussi : L’article est pour nos abonnés Dans l’ouest du Kenya, l’interminable attente de Raila Odinga
La patience a été unanimement applaudie
La patience des Kényans est unanimement saluée dans un pays qui a connu de nombreux épisodes de tensions et de violences post-électorales, parfois sanglantes, au cours des dernières décennies.
Dimanche, M. Ruto et Odinga ont visité des églises dans la capitale, Nairobi. Vêtu d’une chemise blanche et d’une veste légère, M. Ruto a appelé à une poursuite pacifique du processus électoral lors d’un service religieux : « Nous avons voté pacifiquement, nous avons traversé ce processus pacifiquement et ma prière est que nous terminions ce processus pacifiquement. »
M. Odinga, vêtu d’une soutane bleue, sa couleur de campagne, a récité une prière de saint François : « Je veux être un instrument pour apporter la paix, guérir, unir et faire vivre l’espoir dans notre pays. »
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Ailleurs, les offices dominicaux, très populaires dans ce pays religieux, ont suscité des appels à la responsabilité. A l’annonce des résultats, “ne créez pas de trouble ou de chaos, mais priez pour le nouveau président que Dieu nous a donné”, a crié Mgr Washington Ogonyo Ngede devant trois cents fidèles rassemblés à Kisumu, le fief de M. Odinga dans l’ouest du pays. . “Les dirigeants vont et viennent, mais le Kenya vit pour toujours”, a ajouté cet ami de longue date de la famille Odinga.
À Eldoret, le fief de M. Ruto dans la vallée du Rift, l’évêque du diocèse catholique Dominic Kimengich a également appelé au calme, exhortant les politiciens à être “très prudents dans leurs propos”.
“Nous avons vécu cela en tant que Kényans, nous savons que toute remarque irréfléchie (…) peut facilement déclencher un conflit”, a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) avant le service à la paroisse de Yamubi. Il a demandé aux hommes politiques d’”accepter la volonté du peuple” exprimée dans les urnes.
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Registre des femmes élues
En écho samedi sur Twitter au secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, une quinzaine d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Amnesty International, et des syndicats ont appelé dimanche “à la patience”.
“Nous applaudissons les Kényans pour leur conduite pacifique lors des élections et appelons au calme pendant que les résultats sont vérifiés”, ont-ils déclaré dans un communiqué.
Quelque 22,1 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes mardi pour désigner le successeur du président Uhuru Kenyatta, ainsi que leurs gouverneurs, députés et élus locaux. Les résultats des votes locaux tombent en gouttes et en poids. Elles ne suggèrent pas quel camp plaira à la majorité parlementaire, mais déjà une percée historique pour les femmes se dessine.
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Par conséquent, la commission électorale est sous pression. Non seulement parce que le pays, moteur économique de l’Afrique de l’Est, est inactif en attendant les résultats, mais aussi parce qu’il a fait l’objet de vives critiques il y a cinq ans après l’annulation des élections présidentielles par la Cour suprême. Vendredi, il a reconnu que la collecte, le dépouillement et la vérification des résultats avaient pris plus de temps que prévu, ralentis, selon lui, par l’ingérence des partisans des partis politiques.
Ces élections sont suivies de près par la communauté internationale. Le Kenya est en effet un point d’ancrage démocratique dans la région et les résultats de toutes les élections présidentielles y sont contestés depuis 2002.
Le scrutin du 9 août a enregistré un taux de participation d’environ 65 % (contre 78 % en août 2017), dans un contexte d’inflation galopante et de désenchantement à l’égard de l’élite politique.
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Le monde avec l’AFP