“On est en vacances donc on n’entend pas trop l’actualité…” : sur la plage de l’Almanarre, à Hyères (Var), les touristes, serviette contre serviette, ignorent les restrictions d’eau imposées à la région, frappée par un historique sécheresse qui contribuent à la détérioration. Anne Fretey, 53 ans, de Troyes (Aube), est consciente du problème au niveau national et n’a pas lavé sa voiture “depuis un moment” mais ignorait “absolument” le manque d’eau particulièrement criant sur la Côte d’Azur. Comme 87 autres communes du département du Var, Hyères est en “crise” de sécheresse, le niveau d’alerte le plus élevé. Les rivières sont au plus bas, dans une zone où la consommation est largement supérieure à la moyenne (228 litres par jour et par personne, contre 109 litres pour le Nord-Pas-de-Calais).
“Les politiques ne sensibilisent pas assez le grand public”
Anna découvre que la douche de la plage est sèche, seul signe visible pour les estivants des restrictions existantes. Juste au-dessus du bouton, un autocollant informe d’une coupure d’eau dans les douches depuis mai – le début de l’alerte sécheresse de la ville. Mais dans les rues du centre-ville et à l’entrée des sites touristiques, aucun panneau ne vous informe de la rareté de l’eau et de la nécessité d’utiliser cette ressource avec parcimonie. Au-delà des restrictions, Anne Setimelli, fondatrice de l’association écologiste varoise “Explorer et Préserver”, estime qu’il faudrait “repenser l’usage de l’eau” et par exemple fermer définitivement les douches de plage au profit de points d’eau potable “pour combler votre bouteille d’eau et évitez les bouteilles en plastique”. L’activiste déplore le fait que “les politiques ne sensibilisent pas assez le grand public dans une zone qui subit une très forte pression touristique”. La Provence-Alpes-Côte d’Azur est en tête des régions les plus attractives de France cette saison, avec un “retour en force” de touristes au même niveau qu’avant l’épidémie de Covid-19, selon la Commission régionale du tourisme.
Des piscines qui débordent malgré la crise de la sécheresse
Sur la presqu’île de Giens, toujours à Hyères, les campings proches des plages de la Méditerranée se remplissent en août. Dans un complexe quatre étoiles, les lauriers roses brillent et la piscine déborde : le personnel n’a pas entendu parler des restrictions, notamment de l’interdiction de remplir les piscines en cette situation de « crise ». Contacté par l’AFP, un agent de police de l’environnement de la zone : les établissements peuvent demander une dérogation aux préfets, “qui ont tendance à l’accorder lorsque les piscines sont collectives par temps chaud”, invoquant des “problèmes de santé publique”. Au bord du bassin bleu, Grégory Prudhomme, 52 ans, venu en famille du Pas-de-Calais, observe que “la piscine n’est pas si grande” et préfère pointer du doigt les campings équipés de “grandes piscines, avec toboggans “, ou encore les piscines individuelles des villas. Quelques kilomètres plus loin, au centre de vacances de l’UCPA (National Outdoor Sports Center Association), il n’y a pas de piscine. “On est à 25 mètres de la mer, ce serait une aberration”, assure Gaspard Dalle, directeur sportif, tout en reconnaissant que “les centres UCPA avec piscines enregistrent entre 30 et 40% de réservations en plus que les autres”.
“Chaque goutte compte”
Devant le cabanon où sont rangés combinaisons et gilets de sauvetage, un panneau avertit : “Chaque goutte compte”. Gaspard Dalle définit une grande cuve de 500 litres, “d’eau douce et désinfectante” dans laquelle les vacanciers doivent dessaler leurs vêtements : pour s’adapter à la sécheresse, l’eau n’est changée qu’une fois par jour au lieu de deux. Idem pour le lavage du matériel nautique (planches, catamarans, etc.), nécessaire à sa durabilité : “On ne rince qu’une fois par semaine au lieu de tous les jours.” Dans ce centre de vacances, partenaire du Parc National de Port-Cros, l’écologie est une des valeurs fortes : le système de cantine collective, la climatisation et la formation à la biodiversité en témoignent. “Les clients attendent une qualité minimale, et bien sûr limiter l’eau et la climatisation peut nuire à cette qualité, mais je pense que cela fait partie d’une éducation de base”, réfléchit Gaspard. Concrètement pour réduire la pression touristique sur les ressources naturelles, alors qu’un Français consomme en moyenne 148 litres d’eau par jour, sa consommation monte à 230 litres d’eau par jour en vacances, selon le Centre d’information sur l’eau.