Très peu pour Sandrine Rousseau, qui a réagi sur Twitter après les déclarations du ministre, chiffres à l’appui : “L’objectif, rien qu’à Paris, c’est de vacciner 150 000 personnes. Plus on tarde, moins l’épidémie est maîtrisée.” Le député EELV qui donne le préavis a-t-il raison ? L’objectif, rien qu’à Paris, est que 150 000 personnes soient vaccinées. Plus on tarde, moins l’épidémie est maîtrisée. — Sandrine Rousseau (@sandrousseau) 10 août 2022 “Il y a un gros problème de capacité vaccinale”, confirme Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon à Paris. “Vous avez 10.000 vaccinations par semaine. Mais la population cible, c’est 250.000 personnes” en France, souligne-t-il, reprenant les chiffres de la Haute Autorité de Santé. Dans ces conditions, “la fin de la vaccination ne se fera pas avant la fin de l’année, ce n’est pas acceptable”. De plus en plus de personnes sont désormais éligibles au vaccin : à partir du 8 juillet, les groupes les plus exposés, à savoir « les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes transgenres multipartenaires, les prostitués et les professionnels qui travaillent dans les lieux de consommation sexuelle », peuvent recevoir leur injection. Pour Gilles Pialoux, le chiffre de 150 000 personnes éligibles à la vaccination dans la seule ville de Paris, proposé par Sandrine Rousseau, semble probable. Elle est associée à l’importance de la population HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) en région parisienne, l’une des principales populations à risque de monkeypox. Comment s’explique une telle lenteur de la campagne de vaccination ? Les professionnels excluent déjà certains facteurs. “Il n’y a pas de problème de dose. Le ministère de la Santé et la Direction générale de la santé nous rassurent sur ce point : la France est bien dotée”, assure Gilles Pialoux. “Nous n’avons pas d’informations précises sur le nombre de doses, classées secret défense”, nuance toutefois Yannick Simonin, virologue et enseignant-chercheur à l’Inserm à l’université de Montpellier. Le vaccin utilisé contre le virus du monkeypox (ou monkeypox, en anglais) est en effet celui de la variole, un virus considéré comme une arme biologique enveloppée du secret militaire. Et alors qu’aucune pénurie n’a été signalée en France, le virologue souligne que “des problèmes d’approvisionnement ont déjà été signalés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni”. En France, “le vrai problème, c’est le problème des armes, des centres et de la dynamique vaccinale”, soupire Gilles Pialoux. A l’hôpital Bichat, l’infectiologue Nathan Peiffer Smadja constate un manque de personnel pour la vaccination. “En tant que centre hospitalier de maladies infectieuses, nous avons entrepris cette nouvelle activité de vaccination et de dépistage du monkeypox avec un personnel permanent. Au total, un cinquième du service lui a été confié.” Interrogée par franceinfo, Sandrine Rousseau déplore “qu’il n’y ait qu’un seul centre de vaccination à Paris”, alors que la campagne de vaccination a commencé il y a plus d’un mois. « Je suis allé visiter ce centre [qui ne dispose] de trois chambres de vaccination. Seulement 150 personnes y sont hospitalisées par jour, ce qui est très, très peu », déplore le député. Outre ce pôle ouvert par la ville de Paris, la capitale compte au total 21 points de vaccination, dans des hôpitaux ou des centres de santé. Et selon le professeur Pialoux, environ 4 500 personnes ont été vaccinées en Ile-de-France. Autre problème soulevé par le député : le ciblage des campagnes de prévention qui n’atteignent pas les populations vulnérables comme “les mineurs et la prostitution masculine”. Un inconvénient également relevé par le professeur Pialoux : “Il y a toute une population qu’on voit un peu à l’hôpital, par exemple les travailleuses du sexe.” Contacté par franceinfo, le ministère de la Santé dit travailler sur une expérimentation avec les pharmacies pour augmenter les capacités de vaccination. Au 9 août, cinq pharmacies étaient autorisées à vacciner leurs clients, selon un arrêté publié au Journal officiel. L’objectif de l’expérience, qui durera quinze jours, vise précisément à tester la logistique d’un vaccin antivariolique, qui doit être conservé à -80°C puis, une fois décongelé, ne peut être conservé que quinze jours au réfrigérateur. De son côté, la Direction générale de la santé (DGS), contactée par franceinfo, rappelle que “la France est l’un des seuls pays au monde à avoir ouvert la vaccination préventive” et que par arrêté du ministre de la Santé le 26 juillet a élargi la liste des personnes pouvant effectuer cette vaccination aux médecins et infirmières à la retraite, ainsi qu’aux étudiants en santé, ce qui “devrait permettre une nouvelle augmentation du nombre de postes de vaccination ouverts cet été”. Cependant, la réponse du gouvernement ne convainc pas totalement les professionnels. “Il ne faut pas tout mettre sur l’hôpital et les pharmaciens. Augmentons la capacité [de vaccination]il faudrait passer par les vaccins », juge Gilles Pialoux. « Les pharmaciens sont une bonne alternative », admet l’infectiologue, qui critique pourtant « un système trop préventif avec une phase expérimentale dont on n’a pas besoin. “Selon lui, les officines maîtrisent déjà la ‘chaîne du froid’ qu’elles ont mise en place pour les vaccins à ARN contre le Covid, ‘pas plus contraignants’ que ceux contre la variole. Mais le temps est précieux dans la lutte contre la pandémie. Le nombre de malades du monkeypox reste modeste par rapport à l’ensemble de la population, avec 2 673 cas recensés au 11 août sur l’ensemble du territoire, selon la Santé publique. Après un pic du nombre de cas au printemps, le nombre d’infections semble s’être stabilisé entre 300 et 400 cas par semaine depuis début juillet. Nombre de cas confirmés de monkeypox en France, entre mai et août 2022. (SANTE PUBLIQUE FRANCE) Cependant, “si on laisse le virus du monkeypox sortir, il risque de se propager plus largement aux personnes les plus vulnérables”, prévient Yannick Simonin. Il est donc impératif qu’une campagne de vaccination soit menée le plus tôt possible pour éviter sa propagation à la population générale.