L’auteur d’origine indienne a longtemps vécu dans la clandestinité, sous haute protection policière, notamment lorsqu’il vivait à Londres. Depuis plusieurs années, New York était devenu son refuge. Le thème de la conférence qu’il a donnée ce vendredi, tenue dans un auditorium d’un centre culturel de Chautauqua, une ville située dans le nord-ouest de l’État de New York, était précisément « les États-Unis comme asile pour les écrivains et autres artistes en exil et comme une maison pour la liberté de création”. Ces dernières années, Rushdie a répété à plusieurs reprises qu’il devait “vivre sa vie”, sans hésiter à apparaître en public avec une sécurité réduite au minimum.
Une figure de l’ayatollah Khomeiny lui a servi de photo de profil
Sur les lieux ce vendredi 12 août, se trouvaient un officier de police du comté de Chautauqua et un adjoint du shérif. Un mécanisme qui n’a pas pu empêcher la tentative d’assassinat survenue peu avant 11 heures (heure locale) alors que l’auteur devait prendre la parole. Poignardé au cou et à l’abdomen, il était toujours dans un état critique, sous assistance respiratoire, ce samedi 13 août. L’agresseur, vêtu d’un tee-shirt militaire, a été rapidement plaqué au sol par des passants avant d’être interpellé par la police. “Il a fallu cinq hommes pour le faire sortir et il donnait toujours des coups de pied”, a déclaré Linda Abrams, qui a assisté à la conférence, au New York Times. Selon la police et plusieurs témoins, l’homme aurait attaqué Salman Rushdie par derrière. Le major du NYPD Eugene Staniszewski a révélé que le tireur présumé de 24 ans était Hadi Matar. Il est né en Californie mais a vécu à Fairview, une ville du comté de Bergen, dans le New Jersey. Sur ses réseaux sociaux, Hadi Mattar pointe du doigt les visages du régime iranien, ainsi que son fondateur, l’ayatollah Khomeiny, auteur de la fatwa contre Salman Rushdie. pic.twitter.com/kW3xuyjtD6 — Romain Caillet (@RomainCaillet) 13 août 2022 La police de l’État de New York a déclaré que l’homme avait été arrêté pour avoir tenté de tuer l’auteur et blessé intentionnellement le modérateur avec une arme mortelle, une balle dans le visage. Hadi Matar a été placé en garde à vue au département de police de Jamestown et transporté à la prison du comté de Chautauqua ce samedi 13 août. Le mobile de l’attaque n’a pas encore été déterminé et aucun lien entre l’homme de 24 ans et Téhéran n’a été officiellement établi. Mais une analyse de son compte Facebook, suspendu par la plateforme, et une fausse licence retrouvée sur celui-ci montrent que Hadi Matar a apparemment manifesté son soutien au régime iranien et au Hezbollah libanais. Une figure de l’ayatollah Khomeiny lui a servi de photo de profil. Selon la chaîne américaine NBC News, des photos du général iranien Qassem Soleimani, tué par une frappe américaine début 2020 à Bagdad, ont été retrouvées sur une application de messagerie instantanée. Pour Romain Caillet, islamologue, Hadi Matar est un « chiite libanais de l’obédience de Khomeiny ». Sa famille est originaire du village de Yaroun, situé dans le sud du Liban, à quelques hectares de la frontière israélienne, a déclaré Ali Tehfe, le maire du village, à plusieurs agences de presse. Un faux permis de conduire a été retrouvé sur le jeune homme qui portait le nom de « Mughniyah », une référence selon plusieurs médias à un officier du Corps des gardiens de la révolution islamique et l’un des fondateurs du Hezbollah : Imad Mughniyah. “L’un des plus grands commandants du Hezbollah, qui a été tué par Israël avec le soutien des Etats-Unis en 2008”, explique l’islamiste sur Twitter.
L’attaquant fêté en Iran
Hadi Matar a été placé en garde à vue et une enquête pénale a été ouverte. Selon les premières preuves, les enquêteurs se tourneront vers la piste d’un acte unique. Reste à lever le voile sur plusieurs zones d’ombre. Hadi Matar a-t-il des liens avec le Hezbollah ? Sa tentative d’assassinat est-elle une réponse à la “fatwa” lancée il y a 33 ans par le guide suprême de la révolution iranienne, ou une volonté plus large d’attaquer les États-Unis et un exemple de libre circulation ? Les résultats de la perquisition de son domicile et l’analyse de plusieurs appareils électroniques saisis sur les lieux de l’attentat pourraient-ils éclairer les enquêteurs ? Alors que le monde occidental vit avec anxiété de connaître l’évolution de la situation de l’auteur des Enfants de minuit (1981), le principal quotidien ultra-conservateur iranien, Kayhan, a, ce samedi 13 août, fait l’éloge de Hadi Matar. “Félicitations à cet homme merveilleux et consciencieux qui a attaqué l’apostat et vicieux Salman Rushdie”, écrit le journal, dont le patron est nommé par l’ayatollah Khomeiny. « Baisons la main de celui qui a égorge l’ennemi de Dieu avec un couteau. »