Posté à 5h00
                Isabelle Massé La Presse             

Les espaces de co-working ne font pas que le bonheur des jeunes pousses et des petits technophiles. IBM l’a confirmé il y a quelques années en s’installant, jusqu’en 2020, dans une adresse WeWork à New York. Au Québec, alors que la pandémie redéfinit les règles de la flexibilité du travail au point de remettre en cause la location à long terme d’espaces dans les tours à bureaux, Cossette a changé d’univers et fait un saut dans la constellation WeWork. En novembre 2021, la succursale montréalaise de l’agence a quitté ses 86 000 pieds carrés pour 35 000 pieds carrés sur un étage entier, rue Sainte-Catherine Ouest. « Le bail tirait à sa fin », indique Louis Duchesne, président du Québec et de l’Est du Canada. Nous devions décider de renouveler ou non. Nous avons profité du COVID pour poser des questions sur le travail à distance. » PHOTO PAR MORGAN SHOCK, LA PRESSE Louis Duchesne, président, Québec et Est du Canada, à Cossette Nous avons pensé que ce serait une excellente occasion de choisir un espace de coworking comme expérience. Nous ne pouvions pas prévoir comment notre façon de travailler allait changer. Découvrons-le sans s’engager en signant un bail de 10 ans. Louis Duchesne, président, Québec et Est du Canada, à Cossette L’organisation a fait venir ses 500 employés dans des bureaux qui lui sont spécialement réservés. Cossette a son propre étage. “Les autres membres de WeWork ne peuvent pas travailler à notre étage, mais nous pouvons aller dans d’autres espaces”, confirme Louis Duchesne. Ce n’est pas une pure solution de coworking. Cela nous a ouvert. Il était plus ou moins envisageable d’aller dans un espace essentiellement collaboratif. Nous avons ressenti le besoin d’avoir notre propre maison. » Un tel déménagement peut être associé à une perte de prestige… « On y a pensé, avoue Louis Duchesne. Mais nous voici en 2022. La pandémie a été un accélérateur de valeurs non négligeables en entreprise. Pour offrir une expérience engageante aux employés, nous ne pouvons plus nous définir uniquement dans un espace de bureau. Même les cadres supérieurs ne se sont pas vu attribuer de bureau. L’idée est de choisir votre espace en fonction des tâches que vous devez accomplir lorsque vous venez au bureau. »

Les règles ont changé

Le COVID-19, de pair avec la crise de la main-d’œuvre, a bouleversé les désirs et les priorités des travailleurs et contraint les entreprises à se demander où ils travaillent. Le camion de déménagement s’invite désormais à la réflexion ! « Nous avons vendu des meubles et des œuvres d’art à des employés, en avons donné d’autres à des organismes, à des ventes aux enchères, avons emporté quelques pièces avec nous », rapporte Louis Duchesne. D’autres grandes entreprises suivront-elles ? “Je doute que les grandes entreprises fassent un tel bond sur le long terme”, répond Mathieu Turnier, associé senior de l’agence immobilière Colliers. Mais la demande de flexibilité va augmenter. En ces temps incertains, la plupart des entreprises y voient une solution à court terme, car elles n’ont pas à faire de travaux, d’ameublement, de câblage. Le co-working propose tous les services clés en main, alors que les coûts de construction ont explosé. » PHOTO AVEC L’AUTORISATION DE COLLIER Mathieu Turnier, associé principal chez Colliers Présentement, peu d’organismes basés au centre-ville de Montréal font faillite. « Ça s’est stabilisé dans le dernier quart-temps, raconte Mathieu Turnier. Vous voyez de plus en plus d’entreprises qui n’occupent pas toute leur superficie ou qui ne réaménagent pas leur espace actuel. Les tours de bureaux sont plus vides qu’avant, mais c’était avant la pandémie. »

Direction la banlieue

Si rares sont les directions adoptant la formule Cossette (et ses agences sous l’égide de Plus Compagnie), plusieurs envisagent d’ouvrir des bureaux satellites dans des espaces de coworking de banlieue pour se rapprocher de leurs employés. «Des entreprises plus traditionnelles nous appellent depuis le début de la pandémie», note Francis Talbot, fondateur de Montréal CoWork. Mais nous devons les éduquer. Certains s’attendent à payer moins. Cependant, ils sont souvent plus chers au pied carré, mais ils paient pour la flexibilité. L’espace peut être réduit ou augmenté chaque année. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Le lieu de travail de 2C2B Coworking, à Boisbriand Pendant ce temps, les espaces de bureaux prolifèrent autour de Montréal. Selon Colliers, à Brossard, 500 000 pieds carrés d’espaces de bureaux ont vu le jour depuis la fin de 2020. À l’Espace Montmorency à Laval seulement, les nouveaux espaces totalisent 300 000 pieds carrés. Côté coworking, seul 2C2B Coworking, qui offre déjà des espaces à Boisbriand et Terrebonne, prévoit ajouter cinq étages d’espace à Mascouche à l’automne. « La prochaine étape sera l’ouverture sur la Côte-Sud en raison de la construction de trois ans du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, explique le gestionnaire principal Cassy Baillargeon. Nous voulons offrir des hubs Rive-Nord-Rive-Sud aux entreprises. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Olga Belkin, Cassy Baillargeon (centre) et Guillaume Beaudin de 2C2B Coworking « La recherche de bureaux satellites est une tendance qui vient de l’étranger, explique Olga Belkin, stratégie de communication, développement commercial, de 2C2B. Nous avons été approchés par des agents immobiliers américains à la recherche de bureaux satellites partenaires pour de grands groupes. La banlieue, proche des résidences ouvrières, les intéresse. Ainsi, il est plus facile de se faire embaucher. Les très grandes entreprises mèneront cette tendance : 95 % des entreprises du Fortune 500 ont des bureaux décentralisés. » Selon le podcast américain Everything Coworking, il y a une explosion d’espaces flexibles en banlieue, raconte Cassy Baillargeon. « À Montréal, en ce moment, on est à moins de 1 %, dit-il. Aux États-Unis, avant la pandémie, il était déjà à 5 %. » « Notre proposition est complémentaire, ajoute Olga Belkin. Mais les petits espaces proposés aujourd’hui en périphérie ne conviennent pas aux grandes entreprises. Parallèlement, en 2021, j’ai déposé l’idée de tester un bureau satellite multi-PDG. Dans les domaines plus traditionnels, on constate plus de rigidité. Nous savons cependant que le monde change, que nous devons être agiles. » Cossette pourrait rester longtemps chez WeWork, selon son président. “Mais la beauté, c’est la souplesse”, dit Louis Duchesne. C’est utopique de signer un bail de 15 ans fermes de nos jours. »