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Nos recherches montrent que les meurtriers condamnés au NCRTM entre 1990 et 2021 sortent de l’hôpital psychiatrique après quatre ans et trois mois, en moyenne.
En comparaison, les meurtriers envoyés au pénitencier doivent purger au moins 10 ans de prison. Et s’ils sortent un jour, ce qui n’est pas garanti, ils sont suivis à vie.
Bien que certains meurtriers du NCRTM restent en détention pour le reste de leur vie, ils ne sont généralement plus soumis à aucune condition neuf ans après le crime.
En ce qui concerne le NCRTM féminin, les étapes semblent se dérouler plus rapidement. Ils passent en moyenne deux ans et demi dans un hôpital psychiatrique et sont libérés sans condition au bout de six ans et demi.
Quatre cas
Notre Bureau d’enquête a pu faire ces constatations grâce à une recherche exhaustive des dossiers judiciaires et des demandes d’accès à l’information (voir méthodologie).
Dans les pages suivantes, nous vous présentons en détail quatre cas récents survenus dans diverses régions du Québec.
Comment s’explique une telle différence entre la durée de détention des meurtriers condamnés et celle des meurtriers du NCRTM ?
“Nous avons jugé que les gens du NCRTM n’avaient aucune responsabilité au moment de l’acte, en raison de leur état d’esprit, nous n’avons donc aucun contrôle sur eux. S’ils ne présentent pas de risque pour la sécurité publique, ils ne peuvent être détenus indéfiniment dans un établissement », note la professeure Emmanuelle Bernheim, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice.
Choquant
Cependant, certains pourraient s’opposer au fait qu’un père qui a tué ses trois enfants alors qu’il délirait soit libéré après seulement trois ans de prison.
Près de 25 ans après les événements tragiques, notre Bureau d’enquête l’a retrouvé, mais il a décliné notre demande d’interview, se sentant incapable d’aborder la question publiquement.
Il a reconstruit sa vie avec un nouveau partenaire et a trouvé un emploi. Il n’a jamais eu d’autres démêlés avec la justice. Afin de ne pas nuire à sa réhabilitation, nous avons décidé de cacher son identité.
« J’entends souvent dire que quelqu’un qui a tué ne peut pas guérir. Mais les psychiatres vous diront que lorsqu’une personne sous l’emprise d’une maladie mentale n’a pas la personnalité de base compatible avec l’acte, elle peut s’en remettre sans risque de rechute », écrit Louise-Marie Lacombe à propos de ce cas dans son livre Expertises. , basé sur les travaux du psychiatre Gilles Chamberland.
Faible récidive
En fait, cet homme n’est pas différent de la plupart des tueurs NCRTM qui ont été trouvés. Trois tueurs du NCRTM sur quatre n’avaient pas de casier judiciaire au moment de l’acte fatal. C’était le cas d’Abdulla Shaikh, le tueur présumé qui a tué trois hommes à Montréal et Laval la semaine dernière.
Selon nos données, depuis 1990, seuls 10 % d’entre eux ont commis un autre acte criminel, presque tous moins graves, à l’exception de deux cas, qui ont entraîné la mort d’une autre personne.
Une conclusion partagée par la chercheuse Anne G. Crocker, dans une étude publiée en 2014. « Les taux de récidive sont particulièrement faibles pour les individus dont la condamnation NCRTM fait suite à la commission d’un crime grave. Cela démontre que les décisions de libération sont justifiées », estime le professeur de l’Université de Montréal.
Double mais
Cela pourrait s’expliquer par le fait que les unités de psychiatrie légale, où séjournent ceux qui ont tué alors qu’ils ne savaient pas distinguer le bien du mal, ont deux missions.
« Protéger le public et soigner le patient et ses besoins », énumère le Dr Mathieu Proulx. Nous ne sommes pas seulement une équipe de traitement, mais aussi une équipe de gestion des risques de violence. »
“Parfois, on recommande des choses qui ne plairont pas à nos patients, qui vont à l’encontre de leurs intérêts”, poursuit le chef de la psychiatrie légale à l’Institut Philippe-Pinel.
Photo publiée avec l’aimable autorisation de la Cour
“Ce n’est pas noir ou blanc comme dans le système judiciaire daté traditionnel [de libération]. Nous misons sur le développement de l’individu. Il n’y a pas de critères pour cocher une liste pour en sortir”, renchérit sa collègue Sandrine Martin, criminologue et auteure d’une thèse sur le sujet.
– Avec la collaboration de Charles Mathieu et Philippe Langlois
QUI SONT LES TUEURS ?
83% hommes 2/3 ont moins de 40 ans Généralement sans emploi ni diplôme 25% ont un casier judiciaire Beaucoup ont déjà été hospitalisés en psychiatrie 2/3 présentent des signes de psychose 20% ont un problème de toxicomanie 79 % est gratuit
Guy Turcotte a changé la donne
Photo d’archives, Chantal Poirier
Après le « tumulte collectif » provoqué par le premier procès pour meurtre de l’ex-cardiologue Guy Turcotte, un seul jury a envoyé un tueur en établissement psychiatrique plutôt qu’en pénitencier. Les parties prenantes interrogées pour cette recherche sont unanimes : il s’agit d’un tournant dans l’opinion publique concernant le verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux (NCRTM). Le médecin de la Laurentienne a été identifié au NCRTM en juillet 2011 pour les meurtres de ses enfants de trois et cinq ans. Il avait bu du liquide lave-glace après le crime dans une tentative de suicide. “Ce n’est pas du tout représentatif de nos patients ou des dossiers d’homicides que nous avons [à l’Institut Philippe-Pinel]. C’est triste, parce qu’on en a beaucoup parlé, mais les gens à qui on a affaire n’ont pas du tout ce profil-là », note la criminologue Sandrine Martin. confiance ébranlée Pourtant, cette affaire a frappé l’imaginaire collectif au point d’ébranler la confiance du public dans la justice et de durcir la loi pour y ajouter l’étiquette de prévenu à haut risque en 2014. « Il y a tout le problème de la crédibilité du processus judiciaire. […] Cela ressemble à une arnaque. Si tu as une bonne défense, tu vas finir par avoir un bonbon, et dans son cas, c’est un peu vrai », explique la professeure de droit Emmanuelle Bernheim. La Cour d’appel a toutefois ordonné un nouveau procès, après quoi Turcotte a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 17 ans. Plus jamais “C’était un bouleversement collectif après le premier verdict, les gens étaient traumatisés. […] Comme s’ils se disaient : plus jamais ça [on ne va laisser passer ça] », explique l’avocate pénaliste Véronique Robert. Un seul meurtrier a été retrouvé au NCRTM par un jury depuis lors, selon nos recherches. Et les circonstances étaient particulières : il était soigné dans le service psychiatrique lorsqu’il a étranglé deux autres patients. Ce verdict a également été renversé dans plusieurs autres affaires très médiatisées, dont Luka Rocco Magnotta, Richard Henry Bain et, plus récemment au Québec, Carl Girouard. Certes, des dizaines de meurtriers ont été déclarés NCRTM depuis l’affaire Turcotte, mais toujours après une entente entre la Couronne et la défense. Assiste-t-on à un durcissement des mentalités ? “Peut-être que ça ne m’étonnerait pas”, répond la professeure de psychologie Suzanne Léveillée. MYTHE : Une fois libérés, les tueurs du NCRTM sont perdus dans la nature. RÉALITÉ : Lorsqu’ils partent, ils demeurent dans une ressource ou un appartement approuvé par l’équipe de guérison. Selon nos données, 14 % d’entre eux sont retournés en institution en raison d’un changement de leur état mental. MYTHE : Toutes les personnes dans les établissements psychiatriques sont des meurtriers. VÉRITÉ : Seuls 4 % des homicides aboutissent à un verdict NCRTM. Parmi toutes les personnes détenues dans des établissements psychiatriques, les meurtriers représentent une minorité. MYTHE : Maladie mentale = violence. FAIT : Faux. En effet, ces patients sont plus souvent victimes de violences que d’agresseurs. Ce n’est pas le diagnostic de schizophrénie qui augmente le risque, mais la présence de symptômes actifs, comme les hallucinations auditives. MYTHE : Ils sortent même s’ils ne prennent pas leurs médicaments. FAIT : En théorie, les prévenus déclarés par le NCRTM ont le droit de refuser…